Un éléphant dans un magasin de porcelaine? |PV|

Un jeune homme parcourait de long en large la chambre qu’il habitait désormais. Dire qu’il s’ennuyait ne serait qu’un euphémisme tant c’était loin de la vérité. A vrai dire, il n’avait rien d’autre à faire que lire ou regarder la télé. Il avait fini tous les livres et la télé ne diffusait rien d’intéressant. Bien, sûr alors, il pourrait sortir, mais le problème était qu’il n’était pas sûr de pouvoir entrer de nouveau ensuite. C’était ça le problème de vivre avec quelqu’un qui n’éprouvait pas grand-chose de plus pour vous que du mépris. En tout cas, c’était ce que Camille sentait de la part de Victoria, son hôte. Bon, c’est vrai que vu l’harcèlement qu’elle avait reçu de la part du jeune homme, elle n’avait pas vraiment eut d’autre choix que de le prendre avec elle, et pourtant, il sentait bien que ce n’était pas par gaité de cœur. Encore quelqu’un qui se servirait de lui, comme il en avait l’habitude. Il secoua la tête, et se composa un sourire tandis qu’il entendait la porte d’entrée s’ouvrir. Elle était de retour, et peut être que la journée allait enfin devenir intéressante. Sachant plutôt bien ce qu’il allait provoquer, le jeune homme alla s’installer confortablement sur le lit, pour la faire enrager…

Déception, ce n’était que la femme de ménage. Un souvenir profond et désagréable vint l’envahir tandis qu’il se revoyait mordre la superbe nuque de l’employée de l’hôtel où il était. Il l’avait mordu, sans vergogne, avant de se rendre compte de ce qu’il avait fait. Il poussa un soupir, et en se levant rapidement il demanda à l’employée de revenir plus tard, ils n’avaient pour le moment pas besoin de ses services. Le tout agrémenté de superbes sourires ravageurs et de quelques compliments bien placés… Camille était et restait un fils de riche parfaitement éduqué et très gentleman. Presque l’homme parfait en fait, dommage que Victoria ne puisse voir que ses mauvais côtés… Un nouveau soupir, immédiatement remplacé par un nouveau sourire lorsque son portable sonna, indiquant de ce fait que la belle Victoria daignait l’appeler. Et ouais, elle était la seule personne à faire ça de toute façon…

« Allo ? »
« Rejoins moi au Centre Commercial, j’ai besoin de toi. »
« Pour porter les paquets j’imagine… »
« Tu verras, allez dépêche toi, je suis au magasin de lingerie… »

Elle raccrocha, et il fit de même, juste avant de déglutir presque bruyamment. Elle n’allait quand même pas pousser le vice jusqu’à le faire entrer dans un magasin de lingerie quand même. Enfin, il verrait bien, et ne pouvait pas refuser une demande express de mademoiselle Victoria la vampire qui vampirise plus vite que son ombre. Rapidement, il passa un pull par-dessus son t-shirt, mit ses belles convers noires, s’empressa de prendre son portefeuille et après avoir pris le pass, sortit de la chambre. La journée allait peut être s’améliorent finalement. Grâce à la voiture qu’il avait achetée quelques temps plus tôt, il ne mit pas très longtemps avant d’arriver au fameux centre commercial. Et là, direction le magasin de lingerie pour ne pas perdre du temps. Comme prévu, elle l’attendait devant le magasin et à vrai dire, le jeune homme se demandait ce qu’elle allait pouvoir attendre de lui. En général, il jouait le parfait petit valet qui portent les paquets, mais il semblerait d’après le ton qu’elle avait employé un pue plus tôt qu’elle n’avait pas la moindre envie de faire cela, mais quoi alors ? S’approchant d’elle lentement, il la salua d’un signe de tête avant de prendre la parole doucement :

« Alors, qu’est ce que tu veux de moi Vicky ? »

Un coup de plus à l’arrière du crâne ne le dissuada pas de recommencer à la nommer ainsi de ce diminutif la prochaine fois. C’était peut être par provocation, mais surtout parce qu’il avait un besoin constant de se sentir entouré. Surtout depuis la mort de sa sœur quelques mois plus tôt, il recherchait désespérément un soutien affectif, quel qu’il peut être. Il serait même prêt à le chercher auprès de celle qu’il devait le plus détesté à ce moment précis. Il voulait simplement se faire remarquer quitte à se faire frapper pour cela. Après tout, il n’éprouvait plus autant la douleur, alors pourquoi ne pas en profiter ? Camille, qui était parti dans ses pensées, revient brutalement sur Terre lorsqu’il entendit la demoiselle lui demandant de la suivre dans le magasin. Il fixa l’enseigne d’un œil dubitatif et peu envieux. Il n’avait pas la moindre envie d’entrer dans ce magasin, mais il n’aurait certainement pas le choix. Il tenta tout de même une échappatoire, bien qu’il se doute que ce fût inutile :

« Je pourrais pas t’attendre ici ? »

Il n’était pas sûr qu’elle l’ai entendu. Après tout, sa plainte n’avait pas été émise très fort, et surtout, cela s’adressait surtout à l’enseigne, qu’il fixait presque avec dégoût maintenant. Cela serait la première fois qu’il entrerait dans ce type de magasin, et dire qu’il était gêné serait un euphémisme. Elle le rappela à l’ordre, comme il pouvait s’y attendre, elle ne l’avait donc pas entendu, ou tout simplement pas écouté. Il avait l’habitude avec elle, mais il n’empêche qu’il se refrogna quelque peu. C’était dans ces moments là qu’il avait de la provoquer, simplement pour le plaisir de se faire remarquer. Finalement, il poussa un soupir de résignation, et la suivit docilement, sans rien rajouter. Elle semblait savoir où elle allait, mais Camille eut la très mauvaise idée de regarder autour de lui. Il rougit inconsciemment lorsque son regard se posa sur une femme à moitié nue qui sortait de sa cabine pour montrer à quoi elle ressemblait à une amie à elle. Oh, il avait déjà vu des femmes nues, mais pas dans ces conditions là, heureusement d’ailleurs. Un peu ailleurs, et rouge de la pointe des cheveux jusqu’au bout des pieds, il redressa la tête lorsque la belle demoiselle qu’il accompagnait lui reparla. Et là, s’il avait pu rougir plus il ne se serait pas gêné. Elle lui demandait son avis, à lui, le petit frenchie un peu coincé sur les bords. Ouais, ça allait pas être du gâteau. Il était certain que les deux coloris lui iraient à merveille de toute façon. Et une nouvelle fois, s’il avait pu rougir plus, il ne se serait pas empêché. La raison ? Il osait imaginer ces bustiers sur elle, et forcément, les images qui en découlait n’étaient pas forcément très sages…

Il secoua la tête soudainement, en répondant précipitamment la couleur blanche. Il aimait bien cette couleur, et il était certain que ça lui irait à merveille, comme tout ce qu’elle pouvait porter d’ailleurs. Elle reprit la parole, et il l’écouta au début, pour ensuite feinter la sourde oreille. Voilà qu’elle recommençait avec sa manie de mordre à tout va. Quand comprendrait elle qu’il n’enlèverait plus aucune vie humaine, et surtout qu’il ne mordrait plus d’humains. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas bu de sang, depuis sa transformation en fait. Il n’en ressentait pas le besoin permanant, cependant, lorsqu’elle en reparlait, il ne pouvait retenir ces fichus instincts vampiriques. Il sentit ses dents se découvrir, et se força à fermer la bouche. Il ne fallait pas qu’elle voit ça, sinon ça allait forcément dégénérer… Elle partit en direction des cabines, et Camille put tenter de se détendre un peu. Juste tenter puisque la demoiselle qui était en train de s’exhiber devant sa copine vint vers lui :

« Mon amie là bas me dit que cet ensemble ne me va pas du tout, qu’est ce que tu en penses en tant que mec ? »

Il la regarda, interloqué, avant de jouer la carpe hors de l’eau. Finalement, après quelques secondes et une ou deux déglutitions, Camille hocha la tête fébrilement.

« Euh ? C'est-à-dire ? »
« Je… euh… Ca vous va à merveille mademoiselle… »
« Ah, tu vois j’avais raison, il est sous le charme, donc ça me va bien. »

Elle s’éloigna aussi vite qu’elle était arrivée, et finalement laissa seul Camille, avec ses dents de vampire, et ses instincts qui tentaient désespérément de s’échapper. Il les réprima violemment tandis que ses yeux devenaient d’un noir de jais. A ce moment là, Victoria sorti de la cabine, seulement affublée du bustier et de son pantalon… Une envie de mordre prodigieuse le prit tandis qu’elle se montrait ainsi. Il fit d’ailleurs un pas vers elle, avant de se rendre compte de ce qu’il se passait, et qu’il refasse le pas inverse. Il était tellement faible et fébrile à cet instant, et elle ne pourrait que le remarquer.

« Tu es contente ? »

La colère s’entendait dans ses propos et se lisait finalement sur ses traits maintenant. Il détestait qu’elle puisse le manipuler comme ça, aussi aisément. D’ailleurs, il s’apprêta à partir, amorçant même le mouvement, avant de le stopper. Il ne voulait pas vraiment partir en fait, mais il était en colère contre elle. Seulement, il avait peur de partir, peur de ne plus pouvoir revenir…

Il se laissa tirer sans vraiment opposer de résistance. Au moins, malgré la promiscuité de la cabine, il serait caché, et personne ne pourrait donc voir ses caractéristiques vampiriques. Le problème, c’était qu’il y avait peu de place, et donc forcément il y aurait une grande proximité entre lui et la demoiselle. Enfin, il s’efforça de ne pas y penser tandis qu’elle répondait enfin à sa question. Etrangement, il ne se sentit pas plus en colère qu’il ne l’était déjà. C’était avant qu’elle ne le touche, éveillant bien plus qu’une pulsion vampirique. Il voulut reculer, mais la seule chose qui était derrière lui était un miroir, pas d’échappatoires possibles. Il était obligé de subir les assauts de la demoiselle, non que cela lui déplaise de toute façon. Elle savait y faire tout simplement, malheureusement pour lui. Elle reprit la parole tandis que sa propre respiration s’accélérait un peu. Elle avait un effet dingue sur lui à cet instant, mais il préféra mettre ça sur le compte de ses instincts plus qu’autre chose. Le problème qu’il avait, c’est que malgré ce qu’elle venait de dire, l’effet qu’avait pu lui faire la demoiselle quelques secondes plus tôt n’avait absolument rien à voir avec ce qu’il ressentait maintenant. L’autre n’était absolument rien, et il n’avait pas du tout besoin de la mordre elle. Par contre, il voudrait bien plonger ses crocs dans la Vampire. Elle continua sur sa lancée, tentatrice désastreuse sur les pauvres sens de Camille.

Finalement, il agrippa les poignets de la belle demoiselle, et d’un coup de hanche, il la fit basculer, jusqu’à ce que ce soit elle qui se retrouve sur le miroir. Renversement de situation en quelque sorte, même s’il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il pouvait faire à cet instant précis. Il était peut être en position de force, mais elle possédait indéniablement de grandes forces, plus grande que les siennes, du fait de son expérience. Finalement, il approcha ses lèvres de celle de Victoria, jusqu’à ce qu’il puisse son souffle qui se mêlait au sien.

« Non… Je ne veux pas la mordre. Je ne veux mordre personne ! »

C’était un simple murmure, mais il était certain cette fois d’avoir toute l’attention de sa compagne de cabine. Bon, il avait menti sur le dernier point, mais cela elle n’avait pas du tout besoin de le savoir selon son avis. Finalement, dans un soupçon de témérité, il effleura ses lèvres d’un frêle baiser, avant de la lâcher et de reculer d’un pas.

« Arrête ça Vicky, tu es détestable quand tu fais ça, et je suis sûr que tu vaux mieux que ce que tu veux bien montrer. »

Il lui tourna le dos finalement et sortit de la cabine rapidement, sous les regards étranges des vendeuses et surtout de la demoiselle qui était venu le voir un peu plus tôt. Il se doutait bien de leurs pensées, mais si elles possédaient deux sous d’intelligence, elle aurait bien remarqué que ça ne faisait pas suffisamment longtemps qu’ils étaient tous les deux pour faire quelque chose de pervers. En tout cas, il se dirigea droit vers la blonde qui était venue le voir, et qui s’était d’ailleurs habillée depuis. Il la s’arrêta quelques mètres avant elle, et se tourna vers les rayons. Il prit un ravissant ensemble, qui lui irait mieux que celui qu’elle lui avait montré.

« Tu sais, après réflexions, je pense que celui-ci t’irait beaucoup mieux… »

Il lui décocha un beau sourire, et lui remit une mèche de cheveux en place. Elle le regardait avec des yeux pleins de désir. Elle avait envie de lui, il pouvait le sentir, et à vrai dire, s’il n’avait pas peur des conséquences qui pourraient découler, il se serait allé à la tentation. Mais s’il ne voulait pas réellement, il se servait de la demoiselle pour la faire changer d’attitude. Il était persuadé qu’elle tenait à lui plus qu’elle ne le montrait, et il le lui prouverait, quitte à devoir se prendre une taloche par la suite… Il laissa sa main glisser, jusqu’à arrêter sa course dans le creux des reins de la demoiselle. A ce moment, il approcha ses lèvres de son oreille gauche, avant de murmurer d’une voix suave :

« Tu pourrais peut être les essayer chez moi… »
« Avec joie… »

Il se sentit tiré en arrière, et il sut que Victoria l’avait entendu, et voilà qu’elle le brimait. N’était ce pas elle quelques minutes plus tôt qui voulait la pousser dans ses bras ? Le jeune vampire faillit arquer un sourcil de surprise, mais il n’en eut pas vraiment l’occasion, ou plutôt l’envie. Elle semblait en colère, mais pourquoi ? Après tout, pour une fois il n’avait fait que répondre à ses attentes. Peut être était elle un peu jalouse ? C’était certainement trop demander à la belle Russe, mais après tout pourquoi pas hein ? Il la suivit docilement, sans regarder où ils allaient. Il ne pensait qu’à une seule chose, les mêmes qu’il avait eut dans le magasin lorsqu’il était dans la cabine avec la demoiselle. Il s’empressa de secouer la tête pour chasser la moindre présence d’une pensée qui n’avait pas lieu d’être, et s’assit à la même table que Victoria lorsqu’elle daigna poser ses fesses. Elle parla, et il comprit pourquoi elle était en colère. Pendant quelques instants, il fût tenté de lui répondre, mais finalement il n’en fit rien. Il la regardait siroter son café, en hochant très légèrement la tête pour montrer qu’il avait bien compris. Ce n’était pas dit qu’il obéirait, mais au moins il avait entendu ce qu’elle avait à dire. Lorsqu’elle cracha sa fumée sur lui, il détourna la tête, autant pour cacher sa tristesse d’être traité ainsi alors qu’il n’avait fait que lui obéir (certes avec une once de défi mais bon) que pour éviter de se prendre de plein fouet…

Il ne tourna la tête de nouveau vers elle que lorsqu’elle reprit la parole. D’ailleurs, il la tourna si vite qu’il manqua de peu le torticolis. Il avait bien compris, elle comptait s’installer dans cette ville, et avec lui en plus. Bon, bien entendu il restait encore en sursis, mais au moins, c’était un pas en plus vers l’intégration totale dans la vie de la demoiselle. Il espérait qu’il ferait bientôt partie intégrante de sa vie, et il ferait d’ailleurs tout pour. En tout cas, un léger sourire vint s’installer sur les lèvres du jeune homme, qui s’agrandit rapidement. Il était très content de cette décision, alors pourquoi le cacher. Il n’avait même pas besoin de parler pour exprimer ce qu’il ressentait, son visage le ferait pour lui. Pourtant, il décida d’ouvrir la bouche, pour au moins demander ce qui avait pu passer par la tête de la belle au magasin :

« C’est super Vicky, mais une question me taraude… Pourquoi t’as agit comme ça au magasin ? Tu m’avais bien demandé d’aller la draguer non ? Alors pourquoi ça t’a gêné que je le fasse ? »

Il attendait déjà la réponse du : « Parce que t’invite personne chez moi », mais c’était un argument non recevable. Après tout, il l’aurait emmené ailleurs si Victoria lui avait interdit d’aller chez elle. Ou peut être n’était ce réellement que ça. Sa tête bourdonnait de tellement de questions qu’il la sentait tourner un peu. Alors il leva la main vers le serveur, et demanda un verre de soda bien frais, pour se rafraîchir les idées, et aussi prendre son courage à deux mains pour poser la question suivante… Finalement, lorsque sa boisson arriva, il se dépêcha d’en boire une gorgée, et dit d’une voix un peu hésitante :

« En ce qui concerne la maison, tu veux… enfin je veux dire tu es bien sûre de ton choix ? En ce qui me concerne bien sûr… »

Malgré le fait qu’il ne vive que dans la chambre d’ami, il ne voulait pas la déranger outre mesure. C’était un peu étrange de sa part lorsqu’on savait qu’il l’avait harcelée pour qu’elle accepte sa présence, et que maintenant, il voulait être sûr de ne pas déranger. Mais en fait ça n’était pas étonnant, car Camille voulait être accepté, et non pas par pitié, mais pour ce qu’il était, et c’était tout…

Il retint un petit cri de douleur lorsque le talon de la demoiselle vint s’enfoncer sans vergogne dans son tibia désarmé. A la place, il poussa un petit grognement, qui s’interrompit pourtant rapidement. Il était en tort, elle l’avait frappé… Bon ok, c’était loin d’être normal, mais il n’allait pas se plaindre vu qu’il l’avait cherché, et avec brio en plus. Quoi qu’il en soit, il était content qu’elle ait quand même réagit, ça voulait dire qu’elle s’intéressait toujours au minimum de ce qu’il disait, et ça faisait du bien à son pauvre petit égo fébrile. Et ce qu’elle dit ensuite manqua de le faire exploser de joie, une fois de plus, bien qu’il ne le montra pas. Ses yeux avaient certes encore cette étincelle, mais il n’était pas dit que ça n’était pas des restes de sa joie précédente, en tout cas, Victoria le croirait c’était certain. Alors, selon ses propres dires, la belle Russe n’invitait pas n’importe qui chez elle ? Donc si ses déductions étaient bonnes, il n’était lui-même pas n’importe qui n’est ce pas ? Devait il faire la remarque tout haut, ou bien garder ça pour lui, et s’en resservir plus tard ? Il opta finalement pour la seconde option, tandis qu’un petit sourire sincère, et pourtant tellement rusé qu’il en semblait faux…

Et après, elle reprit une nouvelle fois la parole, répondant cette fois à sa seconde question. D’ailleurs, en parlant de la première, il n’avait même pas réagit au fait qu’elle lui avait certainement une nouvelle fois caché quelque chose, mais en fait, il avait été tellement content d’entendre ces quelques mots qu’il avait occulté, les autres. Bref, il s’était concentré sur autre chose, cette fois il fallait tout écouter. C’est comme ça qu’il sentit son sourire glisser, fondre comme neige au soleil, devant les menaces dévoilées de la demoiselle qui partageait désormais sa vie. Il était certain qu’elle pourrait le renvoyer chez lui sans aucun remords, et il ne le voulait en aucun cas. Pour la première fois depuis bien longtemps, il pouvait faire ce qu’il voulait, et il était qui il voulait, il ne pouvait pas changer ça maintenant, c’était trop dur. Et puis, il n’avait pas la moindre envie de quitter Victoria. Aussi prit il la décision sage de ne jamais inviter personne à la maison de Victoria, mieux valait limiter les raisons pour lesquelles elle pourrait le virer de chez elle…

Lorsqu’elle se leva, il se demanda rapidement ce qu’elle comptait faire. Mais ses pensées n’eurent pas le temps d’aboutir puisqu’elle attrapa sa main, l’invitant à la suivre. Il ressentit quelques picotements, et se dépêcha de lâcher sa main lorsqu’il fût debout. Oh, il la suivait, pas de problèmes, mais mieux valait éviter les contacts entre eux. Il ne savait pas réellement ce qu’il se passait, mais ce qu’il savait c’est que ça n’avait pas du tout lieu d’être, et il refusait de ressentir ce qu’il ressentait, surtout pour elle. Bah ouais quoi, il était sensé la détester non ? Quoi qu’il en soit, il la suivait, sans se demander où elle allait, et une nouvelle fois ce fût sa perte. Il entra à sa suite dans les toilettes, et là il le regretta immédiatement. Elle venait de le plaquer sauvagement contre la porte, et même s’il l’avait voulu, il n’aurait pas pu bouger. Elle avait sur lui une influence malsaine, et il fallait absolument qu’il sorte de cette cabine avant qu’il se passe quelque chose de mal. Lorsqu’elle parla, il sentit son sang se glacer dans ses veines. Elle remettait encore ce sujet sur le tapis, alors qu’il ne voulait absolument pas mordre les humains. Il ne savait pas comment il pourrait survivre en temps que Vampire, mais il refusait absolument de faire le moindre mal à quelqu’un. Le souvenir de la femme de chambre le hantait toujours, et il refusait de souffrir encore. En fait, c’était vraiment égoïste de sa part. Il ne voulait pas sauver des vies, il voulait simplement ne pas détruire la sienne. Il refusait de croire que ça ne leur faisait pas mal, il était certain que ça serait toujours le calvaire pour eux, même s’il ne prélevait qu’une infime partie de leur sang.

Pourtant, sans qu’il le veuille, il sentit de nouveau le picotement familier qui signalait la sortie imminente de ses crocs. Il refusait de montrer à cette manipulatrice qu’elle avait un quelconque effet sur lui, et surtout qu’elle réussissait à le mettre hors de lui, qu’elle réussissait à faire sortir son côté vampire. Il détestait ça, plus encore que ce qu’il avait pu ressentir lorsqu’elle avait pris sa main. Dans l’état actuel des choses, il était à deux doigts de plonger les crocs dans sa chair, et pourtant, lorsqu’elle le proposa, il tenta de reculer d’un pas, avant de se rendre compte que ça lui était impossible. Finalement, il posa un regard fébrile sur la jugulaire, avant de planter ses yeux dans ceux de son interlocutrice. Il prit la parole, bien que ça n’ait pas vraiment de sens…

« Je… Laisse-moi partir. Tu ne comprends pas… Je… ne… veux pas… te mordre… Je ne veux mordre personne. C’est contre nature, je ne peux pas. Je suis un monstre… Nous sommes des monstres… Je te déteste pour ça… »

Il voulut s’en aller, mais il n’avait pas le courage de s’opposer à la force de la Vampire. Il n’avait pas envie d’un combat qu’il était certain de perdre, de part son inexpérience, et surtout parce qu’il était loin d’avoir toute la possession de ses moyens. Alors il essaya de s’affaisser, laissant ses jambes le lâcher. Victoria le retenait, mais elle le lâcha rapidement, le laissant tomber au sol, le dos toujours contre la porte. Il ramena ses jambes contre son torse, et les serra très fort pour éviter de donner libre court à ses instincts. Il ne se rendit même pas compte qu’il aurait pu partir s’il l’avait voulu. Il vit la veste tomber au sol, juste devant lui, et finalement, il leva les yeux vers Victoria, les yeux noirs, et les crocs découverts. Sa proposition était tellement indécente qu’elle était horriblement tentante. Mais pour sa propre intégrité, il ne devait pas la mordre. Jamais il ne pourrait s’en remettre, surtout qu’il était persuadé que s’il mordait une vampire il s’en résulterait une étrange dépendance, et ça il le refusait. Alors il se boucha les oreilles de ses mains, et se défit de l’emprise qu’elle avait sur lui, en répondant :

« NON, je ne te mordrais pas Vicky. Je ne peux pas te mordre… »

Pour une fois, l’utilisation du surnom n’avait absolument rien à voir avec de la provocation, ça venait réellement du cœur. Mais il ne fallait pas qu’elle se rende compte, c’était trop dur… Il fixait encore le sol, et reprit d’une voix basse :

« Tu ne comprends pas… Je ne veux pas… »

Et pourtant, malgré que sa voix se brise, que ses larmes perlent aux coins de ses yeux et que ses mains saignent de trop avoir enfoncé ses ongles dedans, il se releva. Lentement, trop lentement, il avait le temps de comprendre tous ses gestes, malgré qu’il soit dans un état second… D’un doigt non souillé par son propre sang, il traça le contour de la mâchoire de la belle, pour terminer sa course dans le creux du cou, juste à l’endroit de la veine si palpitante… Il n’hésita plus, puisqu’il ne s’appartenait plus, et il s’approcha lentement, inexorablement. Ses crocs pénétrèrent la chair, et le sang commença à couler dans sa gorge. Il apprécia le goût du sang, et il se détesta pour cela. Et d’ailleurs, la morsure ne dura guère. Il reprit ses esprits au moment même où il se rendit compte que le sang entrait dans sa gorge. Et là il eut un sursaut, pour complètement se dégager de l’étreinte mortelle dans laquelle il s’était engagé. Il recula d’un pas, sentit la porte dans son dos, et à l’aide de la poignée s’élança au dehors, pour se retrouver nez à nez avec un homme. Il avait du sang qui coulait le long de son menton, alors l’homme eut un mouvement de peur, et tenta de s’enfuir. Tenta, car Camille, sentant le danger se précipita contre la porte, et l’empêcha de sortir… A haute voix, il lança, d’une voix toujours aussi désespérée :

« Tu as vu ce que tu as fais de moi ? Et je sais que tu en aies fière. Je ne me le pardonnerais jamais Vicky… »

Et là, il se jeta sur l’homme, sans honte aucune. Il le mordit, jusqu’à l’exsanguination. Il mourût rapidement car Camille avait faim, et qu’il avait été excité par le peu de sang qu’il avait avalé de Victoria. Mais lorsqu’il se releva, c’était des larmes qui coulaient, et il se laissa tomber contre le mur… Il n’arrivait pas à arrêter ses larmes, tandis qu’il fixait Victoria qui était sortie de la cabine, un sourire aux lèvres.

Il regardait droit devant lui, mais ne voyait pas. Il avait encore pris une vie, et il se maudissait pour cela. Il maudissait aussi Victoria, et ce type pour s’être ramené dans ces toilettes. Il ne pourrait jamais se pardonner d’avoir tué cet homme, tout comme il ne pouvait se pardonner d’avoir tué la femme de ménage, quelques semaines plus tôt. D’une certaine façon, il avait fait une erreur en ne buvant rien pendant tout ce temps, car il n’avait été que plus violent, et plus affamé en mordant cet homme. En fait, il ne savait vraiment pas quoi faire pour se sauver lui-même… Lorsqu’il sentit la présence de Victoria à ses côtés, il ne bougea même pas. Il se laissa faire complètement, sans vraiment réagir. Il était devenu en quelque sorte un pantin, et tout ce qu’elle pourrait faire ne changerait rien. En tout cas le croyait-il, avant que ses lèvres ne viennent se déposer sur les siennes. Cela lui fit comme une sorte de décharge électrique, qui se répercuta dans tout son corps. Pourtant, ça ne fût pas suffisant pour qu’il se réveille complètement. Il continua de la laisser faire ce qu’elle voulait, et l’écoutait à peine dans sa diatribe.

« Tu sais, nous ne sommes pas des monstres comme tu le penses. Nous occupons simplement la place que les humains leur croyaient acquis… nous sommes au sommet de la chaîne alimentaire. Quand tu étais humain, trouvais-tu monstrueux de manger des animaux ? bien sûr que non… et pourtant as-tu déjà été dans un abattoir ? Je peux te jurer que ce que les humains font aux bêtes est bien plus horrible et barbare que ce que nous nous leur faisons. Sans compter qu’ils tuent également pour le plaisir ou pour se vêtir. Alors crois moi tu es bien moins un monstre qu’ils ne le sont. »

Il n’entendait que ce qui l’arrangeait, et d’une certain façon, la phrase reconstituée serait comme ça : « Les monstres sont au sommet de la chaîne alimentaire, quand tu étais humain, c’était monstrueux d’être comme les animaux. C’est horrible et barbare, autant que de tuer pour le plaisir ou pour vêtir… » Il eut comme un mouvement de recul, pour finalement rester à sa place. Ca ne servait à rien de fuir, surtout pour aller où ? Comme elle l’avait si bien fait remarquer, il était libre de partir quand il le voulait, mais il ne pouvait pas. C’était absolument hors de sa portée. Il ne pouvait pas se retrouver seul, pas dans l’état dans lequel il était. Ce n’était pas seulement un état physique, c’était aussi psychologique. Victoria ne serait peut être pas la meilleure aide possible, mais c’était la seule qu’il avait… Elle était comme lui après tout, et il aurait beau dire ou faire ce qu’il voudrait, rien ne changerait ça. Elle revint vers lui, et pour la première fois, il se rendit compte qu’il s’était blessé aux mains dans sa tentative désespérée pour résister à ses animales pulsions.

Elle reprit doucement la parole, et il fût estomaqué. Elle lui proposait de lui donner son sang, pour qu’il ne tue personne ? Il y avait certainement anguille sous roche, et pourtant, il lui en fût reconnaissait pendant quelques secondes. Oui seulement, parce que ce n’était pas une solution définitive. Elle ne voulait pas lui servir de garde manger, mais simplement le faire devenir ce qu’il devait, c'est-à-dire un vampire sanguinaire et impitoyable. Jamais il ne pourrait faire ça. Alors il ne répondit rien, bien décidé à lui faire croire qu’elle l’avait enfermé dans sa coquille, et qu’il ne pouvait plus en sortir. Ou pas tout seul… Il suivit son regard lorsqu’elle le posa sur le mort, et une brusque nausée l’envahit. Il ne pouvait pas vomir, mais il aurait bien voulu. Il avait le goût amer et métallique du sang dans la bouche, et dans sa gorge, et rien que ça le rendait nauséeux, mais voir le résultat de sa petite tuerie était encore pire. Alors quand il entendit la voix de Victoria s’élever de nouveau, il s’attendait à de nouvelles tentatives de corruption de sa part. Pourtant, ce fût différent, et il sentit une brusque poussée de colère l’envahir. Ses crocs encore découvert, il murmura, d’un ton grave et presque effrayant :

« Aller de l’avant ? Mais comment peux tu être si distante avec la mort Vicky ? J’ai tué un homme, et une femme dans le passé, et tu me demandes d’aller de l’avant, d’oublier ? Je suis désolé Vicky, mais je ne suis pas aussi habile que toi pour cacher mes sentiments. Et moi au moins j’ai un cœur, pour ce qui est de toi, j’ai un doute… »

Il se tût, le souffle court comme s’il avait couru un marathon. Il n’avait pas voulu l’invectiver de la sorte, mais il n’avait pas pu s’en empêcher. Il ne pouvait pas oublier ce qu’il avait fait. Il n’était certainement pas un vampire comme les autres, mais c’était ce qu’il était, point final. Il lança un regard plein de rancœur vers Victoria, et se dirigea vers le miroir. Elle avait fait un travail remarquable, toute trace de sang avait disparu. Alors malgré, parce qu’il ne pouvait s’en empêcher, il se tourna vers elle, et déclara d’un ton adouci :

« Merci de t’être occupé de moi. Encore une fois tu es là pour moi… Je n’ai personne d’autre. Alors rentrons… »

Il tendit la main vers elle, il était déjà presque entièrement cicatrisé. Mais bon, c’était vrai que ça n’était pas une blessure très importante, alors pour un vampire c’était carrément rien. Le geste était vraiment très attendrissant d’une certaine manière, car il voulait montrer qu’elle était réellement importante pour lui…